Le peuple soudanais, après des mois de mobilisation pacifique, réprimée dans le sang, a obtenu en 2019 la chute du dictateur Omar Al-Bachir, au pouvoir depuis trente ans et accusé de « génocide » au Darfour par la Cour pénale internationale (CPI). Un soulèvement démocratique aussi admirable aurait mérité un soutien sans faille de la communauté internationale. Mais celle-ci a préféré laisser les dirigeants civils négocier en position de faiblesse les modalités d’une période de transition avec les généraux Abdel Fattah Al-Bourhane, à la tête de l’armée, et Mohammed Hamdan Daglo, alias « Hemetti », chef des Forces de soutien rapide (FSR). Elle est restée passive lors du coup d’Etat que ces deux généraux ont mené en 2021 pour enterrer toute transition démocratique, laissant en première ligne les parrains contre-révolutionnaires des putschistes, soit l’Arabie saoudite, l’Egypte et les Emirats arabes unis.
Une capitale vidée de ses ambassades
Le 15 avril, la « guerre des généraux » – tous deux aussi assoiffés de pouvoir – éclate entre l’armée et les FSR, transformant Khartoum en un champ de bataille sur lequel les civils sont les premières victimes. Dans ce conflit impitoyable, l’Egypte soutient Al-Bourhane et les Emirats appuient « Hemetti », tandis que l’Arabie saoudite essaie, en vain, d’apaiser les deux belligérants. Cet éclatement du camp contre-révolutionnaire, à qui la communauté internationale avait de fait transféré la gestion du dossier soudanais, entraîne un véritable sauve-qui-peut des expatriés de Khartoum.
Les Etats-Unis ouvrent le bal, le 23 avril, avec une opération héliportée durant laquelle une centaine de membres des forces spéciales évacuent une centaine de diplomates et de ressortissants depuis l’ambassade américaine à Khartoum. En revanche, de simples conseils de prudence sont alors adressés aux seize mille détenteurs de passeport américain, très majoritairement binationaux.
A la fin du mois d’avril, les ambassades ont toutes cessé d’opérer dans la capitale soudanaise. La débandade des diplomates a été accompagnée, dans l’urgence des plans d’évacuation, par la destruction sur place des archives, mais aussi des passeports soudanais en attente de visa dans les sections consulaires. Seule l’ambassade de Chine a remis ces passeports à des employés locaux demeurés sur place, alors que les autres chancelleries ont ainsi dépouillé de leurs documents officiels des ressortissants soudanais déjà en situation de détresse. De manière générale, le message envoyé par la communauté internationale est désastreux : non seulement les habitants de Khartoum et du reste du pays sont abandonnés à leur sort, mais c’est avec l’un ou l’autre des généraux en conflit que les évacuations ont été organisées, voire négociées. Au lieu d’être sanctionnés pour avoir plongé leur pays dans le chaos, les putschistes ont ainsi été confortés comme interlocuteurs des grandes puissances.
Il vous reste 47.81% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.