Aux premières heures du sommet Russie-Afrique, une rumeur se faisait de plus en plus pressante : Evgueni Prigojine serait-il à Saint-Pétersbourg, dans les coulisses de cette réunion qui se tient jeudi 27 et vendredi 28 juillet ? L’interrogation s’est faite plus forte encore quand l’un des fidèles lieutenants du chef de Wagner, Dmitri Sytyi, chargé des opérations politiques et civiles du groupe paramilitaire à Bangui, a posté une photo de M. Prigojine et d’un responsable centrafricain légendée : « On voit des visages connus » – sans toutefois que cette image puisse être datée.
Présent en chair et en os ou pas, l’auteur d’une rébellion manquée contre l’état-major russe, il y a un mois, est un acteur essentiel de la deuxième édition du sommet organisé par Vladimir Poutine, tant il a été l’un des chefs d’orchestre de l’expansion russe en Afrique. « L’Afrique est une région du monde où convergent les intérêts de toutes les puissances mondiales. La position d’un Etat sur la scène internationale dépend directement de l’influence qu’il exerce sur le continent africain », écrivait le groupe Wagner en 2019 dans une note interne consultée par Le Monde.
Sa conquête de certains pays africains, M. Prigojine l’a faite grâce à ses mercenaires, mais aussi avec ses usines à trolls, qui ont obtenu la première victoire russe : celle des esprits. De Niamey, où, jeudi, des manifestants ont réclamé la venue des « Russes » après le coup de force des militaires, jusqu’à Kinshasa, où fleurissent dans les rues les drapeaux du pays, jamais le continent n’avait paru aussi russophile et francophobe.
Depuis le premier sommet Russie-Afrique, à Sotchi en 2019, Evgueni Prigojine a mis en place un appareil de propagande sophistiqué pour tenter de redonner à son pays une part du poids diplomatique perdu un quart de siècle plus tôt avec la chute de l’URSS. Le but : promouvoir la « diffusion d’informations sur le soutien russe et soviétique aux pays africains dans leur lutte pour l’indépendance » et la « formation d’attitudes négatives à l’égard des puissances européennes et des Etats-Unis », explicite le document interne à la firme cité plus haut.
Le Groupe Wagner a appliqué cette stratégie, à des degrés divers, dans tous les pays dans lesquels il a vendu ses services. En Centrafrique et au Mali par exemple, la propagande russe a germé sur un terreau fertile, celui d’un sentiment panafricain fort et d’un rejet de l’Occident. Tissant un réseau de désinformation à l’aide de sociétés telles qu’Africa Politology (sanctionnée par le Trésor américain en janvier), Wagner s’est appuyé sur des influenceurs russes pour relayer sa pensée, puis sur des acteurs politiques africains, et a su profiter de séquences politiques périlleuses, telles que les coups d’Etat et les élections. Le Monde a décrypté cette stratégie de propagande.
Il vous reste 73.61% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.