L’homme est terrassé par la douleur, il fond en larmes, tombe et hurle au milieu d’une foule de Palestiniens qui l’observent, impuissants. Fouad Al-Burai, début de cinquantaine grisonnante, vient d’apprendre que la quasi-totalité de sa famille est morte dans le bombardement de leur maison, dans le quartier de Jabaliya dans le nord de la bande de Gaza, cible de frappes israéliennes d’une ampleur inédite, ce samedi 5 novembre.
Vingt-quatre victimes, vingt-quatre noms qui s’affichent sur le téléphone qui passe de main en main. Il ne reste à Fouad que deux enfants, un fils, sorti miraculeusement de la maison au moment du bombardement, et une fille, réfugiée à Rafah, dans le sud de l’enclave. Tous les autres, les oncles, tantes, cousins, nièces, enfants et petits-enfants, ont été fauchés par les bombardements israéliens qui, depuis un mois, frappent les civils de Gaza en représailles à l’attaque du 7 octobre, menée par le Hamas en Israël. Selon le ministère de la santé local dirigé par le mouvement islamiste, au moins 10 000 personnes ont été tuées, dont plus de 4 100 enfants.
Comme Fouad Al-Burai, quelque 850 Gazaouis qui avaient un permis pour travailler en Israël sont réfugiés à Al-Nwama, une base d’entraînement des forces de sécurité palestiniennes située sur une petite colline des bords de Jéricho, en Cisjordanie. L’endroit est devenu l’un des centres d’accueil des quelque 5 000 travailleurs gazaouis expulsés par Israël après les attaques du 7 octobre.
« On attend notre tour »
Le lendemain, leur permis a été annulé et comme plusieurs milliers d’autres ouvriers qui occupaient majoritairement des métiers dans le bâtiment, les services de nettoyage ou l’agriculture, ils ont été expulsés du territoire israélien. Ceux qui n’ont pas pu rejoindre la Cisjordanie occupée ont été arrêtés par les autorités israéliennes. Ils ont été renvoyés dans la bande de Gaza vendredi 3 novembre à l’aube. A Jéricho, en sécurité, les Gazaouis vivent dans les limbes, au rythme des notifications téléphoniques d’une guerre qui se mène chez eux, à un peu plus de 100 km de là, et touche leurs familles.
« Nos journées sont passées à faire défiler les photos de nos morts. Et si, par miracle, on n’a encore perdu personne, alors on attend notre tour », résume Nasser Ichwa, assis dans les tribunes de ce qui est habituellement le terrain d’entraînement de la base.
De petits groupes sont installés un peu partout, au pied des murs des quatre baraquements spartiates qui accueillent les réfugiés dans de modestes chambres partagées, ou à l’ombre des quelques dattiers qui bordent la base. Du linge sèche aux fenêtres, dans les arbres, ou sur le panneau indiquant la zone de tir de la base. Mohamad Abou Taleb, le chef de la sécurité, explique, l’air gêné, « d’habitude, c’est interdit d’accrocher du linge dehors comme ça, mais bon là, étant donné les circonstances… ».
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