Qui veut noyer son chien l’accuse de la rage, dit le proverbe. A Madagascar, qui veut se débarrasser d’un adversaire l’accuse d’être fou. C’est ce qui est arrivé au président du Sénat qui avait eu l’audace de révéler, lundi 9 octobre, avoir subi des « pressions » et des « menaces de mort » de la part de membres du gouvernement, qui l’ont poussé à ne pas exercer le pouvoir par intérim jusqu’à l’élection présidentielle. Herimanana Razafimahefa avait, en effet, à la surprise générale, déposé le 8 septembre une lettre de renonciation auprès de la Haute Cour Constitutionnelle (HCC), invoquant des « raisons personnelles ». Lettre qu’il souhaite aujourd’hui voir retirée afin de pouvoir occuper la fonction prévue par la Constitution.
Les choses n’ont pas traîné : après avoir mis en cause publiquement sa « déficience mentale », les sénateurs réunis en session extraordinaire, jeudi 12 octobre, sur convocation du premier ministre, Christian Ntsay ont voté sa destitution. Il y avait peu de suspense alors que la chambre est acquise à l’IRD, le parti du président sortant Andry Rajoelina. Quinze de ses dix-huit membres sont affiliés à la formation politique. M. Razafimahefa, qui en était aussi issu, en a été exclu jeudi matin.
L’examen réalisé le matin même par le service de neuropsychiatrie de l’hôpital de Befelatanana conclut pourtant à la bonne santé du sénateur : M. Razafimahefa est « en bonne santé physique. Ses fonctions intellectuelles sont intègres, sans démence, ni altération de la fonction cognitive. En outre, sa fonction psychique ne présente aucune aliénation. Il est alors apte à exécuter et à assumer ses activités professionnelles », affirme le compte rendu médical que le président du Sénat a déposé à la HCC pour démontrer que les accusations de ses pairs sont sans fondements.
« Violation flagrante »
Outre le motif invoqué pour écarter M. Razafimahefa de la chambre haute, la régularité de la convocation du Sénat en session spéciale et de manière précipitée alors que la session ordinaire devait s’ouvrir mardi 17 octobre, a aussi soulevé des protestations. Trente-huit députés ont saisi la HCC « aux fins de contrôle de constitutionnalité ». Selon la Constitution malgache, lorsque l’Assemblée nationale ne siège pas – ce qui est le cas actuellement –, le gouvernement peut convoquer les sénateurs en session spéciale mais « uniquement pour avis », comme le stipule l’article 84. « Il s’agit d’une nouvelle violation flagrante du droit. Le coup d’Etat institutionnel que nous dénonçons depuis des semaines se poursuit », dénonce Hanitra Razafimanantsoa, députée du TIM, le parti de l’opposant et candidat à la présidentielle Marc Ravalomanana.
La HCC a aussi annoncé, jeudi, un report du premier tour d’une semaine, soit au 16 novembre, suite à une requête du candidat Andry Raboelina. Gravement blessé au visage par une grenade lacrymogène au cours de la manifestation du 2 octobre contre le président sortant, Andry Raboelina a été évacué à l’île Maurice afin d’y être soigné et ne peut pas débuter sa campagne en même temps que les autres concurrents. Là encore, la décision de la HCC constitue une autre entorse à la loi aux yeux de l’opposition, qui rappelle que la fixation de la date des élections reste une prérogative du gouvernement.
« Quand la communauté internationale ouvrira-t-elle les yeux et dénoncera-t-elle les dérives de ce régime ? Nous sommes au-delà de l’acceptable. Personne ne peut croire que les conditions sont réunies pour tenir des élections crédibles et acceptées par tous », interpelle le candidat Hajo Andrianainarivelo (à la tête du parti MMM), pour déplorer le manque de réaction des partenaires étrangers. Jusqu’à présent, ceux-ci se sont bornés à critiquer un usage disproportionné de la violence pour réprimer des manifestations pacifiques.